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Sans armes ni violence, par contre….

vendredi 18 avril 2008

Déjà 20 ans que le monde se trouve privé de nouvelles saillies d’un homme qui savait comprendre le monde, entrevoir ce que peu ont vu avec peine plus tard mais surtout qui savait enrober tout ça d’un humour particulier, d’une dérision qui n’appartenait qu’à lui mais surtout qui avait la fâcheuse tendance de nous entrainer dans son univers.
Un univers parfois un peu décalé, un univers qui ne s’embarrassaient pas d’inutiles ou de bon esprit outrancier…

20 ans maintenant que plus personne en ce bas monde n’a la chance de profiter de nouvelles pensées de Pierre Desproges, eh oui, car c’est bien de lui qu’il s’agit…
20 ans qu’il manque quelquechose, et il faut dire que c’est bien triste…

J’ai envie de lui rendre hommage en mettant ici un de ses textes tiré des Chroniques de la Haine Ordinaire, un texte écrit deux ans avant sa disparition, un texte qui aurait pu correspondre à ma vie : c’est peut-être pour ça que je me retrouve parfois vraiment bien dans l’oeuvre de Desproges

J’étais littéralement fou de cette femme. Pour elle, pour l’étincelance amusée de ses yeux mouillés d’intelligence aiguë, pour sa voix cassée lourde et basse et de luxure assouvie, pour son cul furibond, pour sa culture, pour sa tendresse et pour ses mains, je me sentais jouvenceau fulgurant, prêt à soulever d’impossible rochers pour y tailler des cathédrales où j’entrerais, botté, sur un irrésistible Alsan fou, lui aussi…
Pour elle, au soir d’usure casanière où la routine alourdit les élans familiers, en érodant à coeur les envies conjugales, je me voyais avec effroi quittant la mère de mes enfants, mes enfants eux-mêmes, mon chat primordial, mon chien essentiel et même la cave voutée humide et pâle qui sent le vieux bois, le liège et le sarment brisé. Ma cave, indispensable et secrète, où je parle à mon vin quand ma tête est malade, et qu’on éclaire qu’à la bougie pour le respect frileux des traditions perdues et de la vie qui cours dans les mille flacons aux noms magiques de châteaux occitans et de maisons burgondes.
Pour cette femme à la quarantaine émouvante que trois ridules égratignent à peine, trois paillettes autour de ses rires de petite fille encore, pour ce fruit mûr à coeur et pas encore tombé, pour son nid victorien et le canapé noir où nous comprenions Dieu en écoutant Mozart, pour le Guerlain velours aux abords de sa peau, pour la fermeté lisse de sa démarche Dior et de soie noire aussi, pour sa virilité dans le maintiens de la gauloise et pour ses seins arrogants toujours debout, même au plus périeux des moins avouables révérences, pour cette femme infiniment inhabituelle, je me sentais au bord de renier mes pantoufles.
Je dis qu’elle était infiniment inhabituelle, par exemple elle me parlait souvent en latin par réaction farouche contre le laisser-aller du langage de chez nouz que l’anglomanie écorche à mort. Nos dialoques était fous :
– Quo Vadis Domine?
– Etoilla matelus ?
En sa présence, oui, il n’était pas rare que je gaudriolasse sans finesse, dans l’espoir flou d’abriter sous mon nez rouge l’émoi profond d’être avec elle. Elle avait souvent la bonté d’en rire, exhibant soudain ses clinquantes canines dans un éclair blanc suraigu qui me mordait le coeur. J’en était fou vous dis-je.
C’était le 16 octobre. Ce jour là je l’emmenai donc déjeuner dans l’antre bordelais d’un truculent saucier qui ne sert que six tables, au fond d’une impasse endormie du XVe où j’ai mes habitudes. Je nous revois, dégustant de moelleux bolets noirs en célébrant l’automne, romantiques et graves, d’une gravité d’amants crépusculaires. Elle me regardait, pâle et sereine comme cette enfant scandinave que j’avais entrevue penchée sur la tombe de Stravinski, par un matin froid de Venise.
J’étais au bord de dire des choses à l’eau de rose, quand le sommelier est arrivé. J’avais commandé un Figeac 71, mon Saint-Émilion préféré. Introuvable. Sublime. Rouge et doré comme peu de couchers de Soleil. Profond comme un la mineur de contrebasse. Éclatant en orgasme au Soleil. Plus long en bouche qu’un final de Verdi. Un si grand vin que Dieu existe à sa seule vue.

Elle a mis de l’eau dedans. Je ne l’ai plus jamais aimée.

L’aquaphile in Les Chroniques de la haine ordinaire – 10 avril 1986

Quand à ces féroces soldats, je le dis, c’est pas pour cafter, mais y font rien qu’à mugir dans nos campagnes !
Alors, si j’étais vous, je me contenterai de rester chez moi à relire les écrits de Desproges et à me laisser porter….
D’ailleurs, tiens, tu vas faire ça, ami lecteur, et je m’occuperai de vérifier ça à mon retour de Week-End

EDIT : Je crois que je ne remercierai jamais assez mes amis qui ont eu l’idée de m’offrir le Vol.0 des Réquisitoires du Tribunal des Flagrants Délires pour mes 18 ans : même si je connaissais Desproges, c’est l’écoute répété de ce CD qui m’a réveillé à nouveau en moi cet attrait….
Comme quoi, parfois un simple cadeau, quoi de plus anodin qu’un CD, peut changer beaucoup de choses dans la vie de quelqu’un…


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