Fly me to the moon

dimanche 14 décembre 2008

Comme prévu, la soirée de jeudi fut dédiée au théâtre en allant voir La lune par dessus le canal [et autres fragments] aux Arènes de Nanterres, la nouvelle pièce du Théâtre des Egrégores mise en scène par Cédric David.
Revenons d’abord, sur le thème de la pièce et sa note d’intention :

Un lendemain de Noël. Une palissade le long d’un canal. Des ombres silencieuses se faufilent, se figent, repartent, reviennent.

Ils errent depuis des jours. ils sont frigorifiés, affamés, boueux. Est-ce le hasard qui les porte ici, leur refus de la solitude, l’envie d’un horizon liquide ou l’idée d’en finir ? Ils finissent en tous les cas par se rencontrer. Clowns-femmes et Clowns-Hommes, ils stoppent pour un moment leur voyage incertain. ils s’observent, se reniflent, soupèsent le poids de leur propre destin dans celui de chacun. Ils se trouvent, se reconnaissent.
Une troupe éphémère occupe désormais ce morceau de berge. Contre la neige et le vent, un campement dérisoire se dresse.

Muets ou presque, les clowns organisent leur vie dans le campement. Tout est est bon à faire pourvu qu’ils ne s’ennuient pas. ils ont tout perdu, leur cirque et leur public, mais ils n’oublient pas qu’ils sont clowns. Tout alors, ou si peu, devient jeu. Ils échappent à leur nouvelle vie en la transcendant. La réalité est rectifiée, poétisée, domptée. Entre rêve d’adulte et cauchemar enfantin, on pourrait penser qu’ils répètent un spectacle et peut-être qu’eux l’entendent ainsi.
Dans leur lutte commune à ne pas se résigner, un nouveau cirque se dessine.

On n’est pas exclu de la piste comme ça, sans révolte, sans revanche. DEs liens entre eux n’en finissent pas de se tisser. Leurs corps résonnent comme une langue purgative. Dans leurs regards brûle un éclat lunaire. La perspective d’un ailleurs improbable s’offre à eux.
Mais la vie, la vraie, ne se laisse pas faire. Et que peut un clown face à la marche du monde ?

L’idée de base de cette pièce était de traité du monde de la rue, de rendre compte d’une réalité, et parmi les styles théâtrales disponibles pour cette représentation c’est celui du clown qui a été choisi.
Un choix qui pourrait semblait incongru à priori, mais qui est loin, très loin de l’être tant le clown permet de faire passer tous les types d’émotions : aussi bien la joie, l’humour, la colère, le dépit que la tristesse.. car si besoin en est, il faut quand même rappeler que le clown ça n’est pas que Bozo et les tartes à la crème, c’est une catégorie de théâtre qui permet de faire passer aussi bien la notion de comédie que la drame.

La canal évoqué n’est pas sans directement rappelé le Canal Saint Martin et les sans-abris ayant occupé l’actualité il y a plusieurs mois, et c’est alors sous les traits de quatre clowns déchus que le monde de la rue va être mis en scène.
Le clowns sont ici ancrés dans la réalité, ils sont sexués, ils sont perdus, ils se trouvent et créent un univers à eux en marge de monde qui les entoure.
La lune par dessus le canal [et autres fragments] ressemble étrangement à l’improbable et impressionnant croisement entre le monde du cirque et un univers à la David Lynch : il est parfois difficile de démêler le réel du rêvé ou du fantasmer, de séparer les aspiration de la réalité….
Et c’est là que la technique du clown prend tout son sens, quasiment sans utilisation de la voix, en jouant tous sur les mouvements mais surtout sur l’expressivité du visage il est possible de tout faire passer, de tout faire comprendre, et spécialement dans les scènes les plus déstabilisantes : il est impressionnant de se rendre compte de l’inutilité de la parole pour se faire comprendre, que la moindre émotion, le moindre sentiment n’ont besoin que d’une gestuelle précise et d’un regard pour exister… et tout au long de la pièce les quatre comédiens réussissent parfaitement à faire vivre ce monde, ces personnages et leurs existences.

La pièce ne se contente pas de faire vivre quatre clowns perdus, elle est elle-même vivante et interactive tant le public n’est pas cantonné à un rôle passif : plus d’une fois les personnages iront prendre place dans le public en se mélangeant à lui ou iront prendre des spectateurs pour en faire des acteurs éphémères et involontaires de ce monde : le mélange public/comédien est là aussi pour rappeler que le monde dans lequel évolue ces clowns n’est pas déconnecté de la réalité, de notre réalité mais qu’il y a bien une interaction fréquente et continuelle entre ces franges de la population.

Au travers de la mise en scène de Cédric David, les quatre clowns interprétés par Florence Balazuc, Natalia Dufraisse, Xavier Depoix, Luc Ducros et Cédric David lui-même prennent vie et débarquent dans une réalité difficile et pourtant si tangible. Le monde du clown permettant de rendre compte du monde de la rue de manière un peu décalé, moins brutale parfois mais pas moins dérangeante. L’idée du clown permet de s’affranchir de la voix et ne garder que les émotions, le sentiments et les sensations qui font les personnages, c’est d’autant plus marquant et frappant !
l’atmosphère de la pièce est aussi agrémentée des musiques originales de Laurent Andrieu durant les presque deux heures que dure la représentation, une musique qui vient apporter beaucoup aux situations et aux scènes.

Il est un peu trop tard, maintenant, pour t’inciter, ami lecteur, à aller voir cette nouvelle création du Théâtre des Egrégores puisque la dernière représentation à Nanterre était cet après-midi, mais une chose est certaine j’ai passé un bon moment : j’ai ri, j’ai été triste, j’ai été parfois choqué et déstabilisé mais surtout j’ai été touché par La lune par dessus le canal [et autres fragments] et par l’interprétation de ces clowns par les comédiens : je reste impressionné par la force qui peut se dégager d’un regard ou d’une gestuelle et par l’inutilité de la parole dans la communication….


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